Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 08:38

Les rebonds de ma vie m’ont conduits où je suis.

Face aux difficultés, jamais je n’ai fui.

Sans cesse je ressasse cette destinée.

Que de changements pendant toutes ces années !

 

Tout au long de ma vie, mon être s’est forgé,

Sur des opportunités mes choix ont portés.

De mon tracé social dois-je m’en orgueillir

Ou du pourrissement conjugal, le vomir.

 

Dans ma grande lassitude je m’enlisai,

A l’agonie du temps l’âme s’évaporait.

Au crépuscule de mes jours je l’ai croisée,

Sur son cœur généreux je me suis reposé.

 

Au terreau de mon être l’amour a germé

Par sa douceur de femme tant malmenée.

Osez entraver notre charmante union,

Qui de votre vie faites un pauvre lampion

Partager cet article
Repost0
3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 15:06

La naissance est prévue, pour ne pas dire programmée le 25 septembre 1945, à Barcelone, en plein quartier chinois, au 12 de la « Calle del Medio Dia».

 

Le jour amorce son agonie dans des teintes mauves aux senteurs de méditerranée et aux effluves de marée. Le bruit de la ville, s’insinue à travers les fenêtres grandes ouvertes, comme un son obsédant de radio mal réglée. Il se mêle au tintement à peine audible des cloches de la messe du soir appelant les fidèles à l’être davantage à leur paroisse. La journée a été assez chaude et les journaliers du port sont rentrés chez eux, après le passage traditionnel à la « taberna 1 ».

 

Dans l'atmosphère moite de ce début de soirée, Soledad 2 accapare l'attention des quelques membres de la famille. Quelques uns participent aux soins de celle qui allait donner la vie pour la deuxième fois. D’autres sont simplement présents rendant l’atmosphère de la pièce un peu moins respirable

 

La sage femme au visage envahi par la transpiration et marqué par le stress de ses multiples délivrances, ordonne et exige. Elle obtient rapidement l’eau chaude et de linge nécessaires à l’enfantement. Sur son front luisant, une mèche rebelle lui confère une pointe de Napoléon. Sa petite moustache duveteuse lui donne une teinte masculine. Elle exerce une autorité tyrannique indiscutable sur l'assemblée captivée par ses mains dextres et velues. Elle montre ses capacités de magicienne en faisant sortir un latin. Son corps empâté et ballonné par les excès de charcuterie et de « porron »3 , limite ses mouvements. Elle décide de se mettre en position face à la parturiente, et semi accroupie, en position de gardien de but, attend anxieusement l'éclatement de la vie annoncée par les dernières contractions.

 

Le lit est astucieusement placé au centre de la chambre, à l’aplomb de la lampe du plafond. Il permet ainsi le déplacement, tout autour, et un éclairement conforme au besoin de la praticienne. Maman est livide et épuisée par ce terrible, mais noble, combat de la nature. Son beau visage de madone légèrement potelé est en partie masqué par quelque mèche de cheveux collés par la sueur. Elle halète essayant vainement de calmer sa respiration perturbée par les douleurs intenses. Elle sait qu’elle va bientôt allaiter.

 

Papa, a la beauté virile du catalan, fort comme un athlète aux vingt trois ans insolents ne sait comment alléger la souffrance de sa femme. Il va d'un côte à l'autre de la couche comme un voilier tirant des bords face au vent. Il tangue sur sa deuxième paternité imminente, mais quel Capitaine !

 

La tension de la délivrance proche semble augmenter la moiteur ambiante. Les draps, de toile rugueuse, sont imbibés de transpiration. L’attente dans cette ambiance de salle d'attente use la patience.

 

La nuit envahie rapidement la ville et s'infiltre sournoisement à l'intérieur de l'appartement appartenant à la "Yaya 4" Barbara. La clarté du jour se retire mollement laissant à regret le champ libre à sa rivale, la belle Nuit. Les objets perdent leur contour et leur couleur. Les visages hâlés par le soleil méditerranéen perdent progressivement leur teint bronze et virent au gris. Les traits des visages s’estompent cachant les sentiments et les regards. C’est le moment où seule l’intonation de la voix trahit les sentiments et la pensée.

 

Le travail de la parturiente arrive à son terme. Dans ce début d’obscurité, la sage-femme descend la lampe du plafond. Elle oriente l’abat-jour pour éclairer la scène d’un geste de réflexe professionnel. Dans sa vie d’accoucheuse, la docte femme a éclairé bien des champs de naissance, elle qui connaît les effets de la pine.

 

- Pousse Soledad, pousse ! S’énerve l’accoucheuse avec l’intonation d’un gardien de but sur le point de recevoir un tir de penalty.

 

Maman est épuisée par la douleur et les efforts prolongés. La venue à la vie s’effectue bizarrement dans la souffrance, alors que la procréation est faite dans la jouissance. L’assemblée, constituée en délégation parentale, semble méditer cette réflexion tant ses membres semblent immergés dans la profondeur de cette révélation philosophique.

 

Un halo de lumière jaune d’œuf éclaire une partie du lit. Encore un effort. La tête du bébé apparaît en laissant voir, déjà, une calvitie prémonitoire. Maman sait qu’elle doit effectuer les derniers efforts pour exclure une part de soi et être finalement soulagée de cette petite agonie.

 

Soledad pousse de son mieux. Les douleurs de dilatation sont insupportables. Encore quelques contractions. Son corps obéit à la loi de la nature et, peu à peu, expulse le bébé. Elle chasse bruyamment sa respiration à plusieurs reprises pour aider la sage-femme à extraire le tout petit.

 

Le dernier effort est ponctué d’un long cri de soulagement et d’épuisement.

 

Le quart de 21 heures vient de sonner à l’église, au croisement de la rue Sant Francesc et de la rue d’en Rull.

 

Après la tête et le torse, le bassin est passé. Fille ou garçon ?

 

- «¡ Es un Niño 5 ! » claironne joyeusement l’accoucheuse dans un style de commentateur sportif.

 

Me voilà ! Je plonge dans la vie revêtu de ma seule innocence qui ne me tient pas chaud. Je me présente donc à la vie, en tenue d'Aden, mais sans la pomme, vu que j’allais la croquer 23 ans plus tard.

 

Un chant flamenco syncopé, chargé autant de tristesse que d’alcool monte jusqu’à la fenêtre saluant la venue au monde de l’enfant, symbole du renouvellement de l’humanité.

 

Aveuglé par la lumière de la lampe, les yeux légèrement ouverts, je plisse les paupières. Ce froncement et mon teint de nouveau-né m’attribuent un petit air 1946nippon fripon. La logique est maintenue, ma naissance ayant lieu dans le Quartier Chinois. La vie m’agresse les sens dans cette explosion d’odeurs et de sons.

 

Fierté de mon Père.

 

Sa virilité n’est pas à démontrer. Peut être a-t-il un léger regret de ne pas avoir de fille. Par la suite il le démontrera sa volonté de paterner une petite fille, car il ne s’arrêtera de procréer qu’au cinquième round, l’avant dernier enfant sera finalement « la fille ».

 

Maman s’est assoupie et se désintéresse de l’assistance. Elle a bien effectué son devoir d’épouse et de mère selon les critères de la société. Le reste de la famille commente abondamment l’exploit comme le font les dingues du football, après un grand match. Les hommes fument, merci pour les bronches du nouveau né. Les femmes s’activent à effacer les traces du combat sanglant qui vient de se dérouler dans l’arène de la mise à vie.

 

Vive la vie ! Elle a gagné la bataille. La délivrance est parfois cruelle car elle gomme la vie du bébé, de la maman voire les deux en même temps.

 

L'ampoule, pauvre mais digne comme un ecclésiastique chauve, éclaire encore chichement de ses quelques bougies la scène de la nativité. En effet la date symbolique du 25 septembre rappelé un autre événement. C'est dans un recueillement pastoral, que les nouveaux parents redoublants, décident d'appeler leur nouveau-né José. Si José est un prénom qui a la particularité d'être un nom propre très commun en Ibérie, il n'en demeure pas moins qu'il a une valeur chrétienne hautement symbolique. Le consensus d'appellation m’identifiant, résulte d'une réflexion familiale et stratégique initialisée neuf mois auparavant. Mon Grand père maternel 7, mort sur le front de l’Ebre s’appelait José ! Honneur à ce brave homme, engagé volontaire par obligation dans les rangs républicains, et qui a trépassé en 1937, décapité par un obus alors qu’il satisfaisant un besoin naturel.

 

De mes yeux entrouverts, bruns et espiègles, je regarde goguenard l'entourage s'extasiant hypocritement de ma beauté. Je suis dans ce monde étrange ou les sons la lumière et les odeurs m’envahissent les sens. Ma respiration est rapide. Je baigne dans l'air chargé de fumée de tabac bon marché, de senteurs épicées de cuisine, et de sueur. Malheur, je ne suis plus dans le liquide amniotique berceur et protecteur. J'aspire à une bonne tétée et à une petite sieste sur le sein de ma génitrice.

 

Après avoir vidé mon premier nichon maternel, je fais mine de m’assoupir sur la poitrine nourricière, ignorant le reste du monde. La sage femme ne voit pas les choses de cette façon. Elle entreprend de me passer au bain et commence par mon bassin lequel est méditerranéen. Ma tante Teresa l’assiste, elle qui n'a ni le physique ni le charisme de la mère du même nom. Malmené dans l'eau tiède de la cuvette d'émail ébréchée, j'y laisse les miasmes de ma naissance en attendant que l’on me drape dans mon rôle de nouveau-né.

 

Propre et emmailloté 8 , je suis abandonné à la manipulation de la famille extasiée et émerveillée par le magnifique spectacle de ma venue dans cette existence. Je passe de bras en bras et de mains en main féminines pour recevoir les câlins de bienvenue. Les hommes conscients de leur virilité grégaire, se contentent d’acquiescer de leur chef tout en ajustant leur boïna toujours récalcitrante.

 

Au fond de la pièce, près de la fenêtre ouverte est assis le grand-père Ramon 10 . Il regarde la rue en contrebas, le mégot aux lèvres. Son intérêt est nettement marqué par la vue de la taberna au bout de la rue, lieu où se concentre toute la lie du port comme dans un fond de carafe. Son nouveau petit-fils ne semble pas remuer en lui une quelconque fibre familiale. Son foie est sans doute suffisamment fibreux.

 

La cinquantaine, grand, brun, les cheveux soigneusement peignés en arrière et brillantinés, il joue à la perfection son rôle de maître de clan. Il condescend, peu souvent, à donner un avis vital sur quelque sujet insignifiant, confirmant ce trait de caractère latin très répandu sur le contour du bassin méditerranéen. Le Papy a de la bouteille et il ne s'en prive pas pour en siroter quelques-unes, ce qui la plupart du temps le rend colérique après épuisement de son stock.

 

Nul ne peut préciser son activité professionnelle, celle-ci étant sans doute constituée d’une série de petites actions semi clandestines et légalement assez douteuses, menées dans l’environnement du port où les marins américains côtoient les revendeurs à la sauvette et les praticiennes de la bitte d’amarrage. Il parvient, cependant, à nourrir sa famille à défaut de nourrir une quelconque ambition pour sa femme, et pour sa dernière fille 11 de dix ans, encore à sa charge.

 

Le jour s’est finalement retiré avec la marée du soir.

 

Les lumières de la ville s’efforcent d’éclairer les zones troubles du quartier sans y parvenir totalement. Cette semi pénombre favorise une vie nocturne particulièrement exubérante. La Rue, assez agitée dans la journée, laisse transpirer une sensation étrange et subtile. Il y a de l’excitation à patauger dans les interdits moraux du port proche où le pécheur, suintants ses désirs par tous les pores de sa peau, assouvit ses penchants en commettant ses péchés 12.

 

Presque 22H.

 

La taberna est bondée depuis longtemps. Quelques consommateurs, accompagné de marins américains, éméchés et marinant dans leur tenue blanche, entonnent un chant flamenco braillard et discordant. Leur voix assez empâtée indique un coma éthylique consciencieusement préparé. C’est qu’il y a de l’honneur, pour ces baroudeurs de la barre, à conserver une alcoolémie stabilisée en permanence à quelques 2 grammes. L’accès à la taverne est tacitement interdit aux femmes par les critères moraux du moment. Les quelques rares dames présentes maintiennent une tradition portuaire millénaire permettant, à grand nombre de marins du monde, d’avoir une mariée dans chaque mouillage.

 

La Rue du quartier Chinois est, bien entendu, la zone de tous les trafics, petits ou grands. On y rencontre, la « Mama », faisant semblant de tapiner mais qui en réalité vends ses doses de drogue qu’elle cache habilement dans son chignon. Il y a aussi les quelques petits trafiquants et revendeurs de cigarettes, et de produits divers allant du blouson américain volé à un marin en vadrouille et saoul, aux fruits et légumes chapardés sur le site de déchargement des docks. La Rue du Quartier Chinois n’est que le théâtre de la vie où l’humanité se révèle à nu exhibant ses tendances bestiales.

 

Je suis donc né, ainsi que mon frère aîné, Ramon, dans l’entre du démon où nous ne pouvions devenir que de bons petits diables.

 

*         *

*

 

 

1 Débit de vin où le client buvait sur place. Bar ancien.

2 Soledad, Solitude. Les prénoms catalans sont comme la région, noyés par le catholicisme.

3 Le « porron » est un récipient en verre à deux verseurs, l’un évasé permettant son remplissage de vin, l’autre effilé permettant de boire en versant un filet de liquide directement dans la bouche. C’est objet est le pendant de la « bota », celle-ci est en peau.

4 Grand-mère en catalan

5 Petit garçon

6 La « bougie » était une unité de mesure populaire.

7 Contremaître aux Docs, et contre la violence, ne prenant pas parti, le Parti le contraint à partir volontaire forcé combattre « Los Moros » sur le front de l’Ebre.

8 Il était courent d’emmailloter les bébés dans un grand linge qui enserrait sa taille et ses jambes.

9 Béret noir catalan porté tiré en arrière façon « Tché » ou tiré sur le côté façon « commando ».

10 Père de mon Père.

11 Ma tente Paquita, sœur de mon Père.

12 Notez le rythme de la phrase. L’auteur promène nos pas prudes dans les passages putrides de nos passions (NDLR

 

*        *

*

Dans le cas où ce texte ne vous aurait pas laissé indifférent, je suis en mesure d'en produire d'autres dans le même style.

Partager cet article
Repost0